SNCF – Vers la fin des services publics

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Sous la pression de Bruxelles, et dans le droit fil de la politique néolibérale désormais omniprésente, le président Macron entend mettre fin une fois pour toutes aux services publics en France.

Comment détruire un service public ?

Commencez par baisser son financement. Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront, ils voudront autre chose. C’est la technique de base pour privatiser un service public.

Noam Chomsky[1]

Eh oui, c’est toujours le même scénario, peu ou prou. On commence par sous-financer le bousin, puis on déplore l’inefficacité du service public, on s’en prend aux privilèges extravagants des travailleurs qui le font fonctionner, puis en phase ultime, on propose sa privatisation qui va forcément régler tous les problèmes. Tout cela entre gens de bonne compagnie, dans la joie et l’allégresse de nous savoir si bien engagés sur la voie du progrès. Par « gens de bonne compagnie », entendez les meilleurs amis des décideurs politiques qui auront présidé… à la vente par appartements, et à vil prix, des biens publics, ou, pour le dire autrement, de votre patrimoine. Eh oui, ce n’est pas Paulo, mon copain (auto-) entrepreneur qui va reprendre la SNCF, eh ? Non, ce seront des gens biens. Biens de leurs personnes, bien cotés en bourse, bien en cour… Biens sous tous aspects, en somme.

Faut-il préciser que rapidement, ces amis auront rapidement à déplorer l’état lamentable dans lequel ils auront trouvé ledit service public, et qu’il s’ensuivra inévitablement des restructurations massives et les pauvres repreneurs devront se détacher, la mort dans l’âme, d’un certain nombre de travailleurs et procéder à la fermeture d’un certain nombre de lignes, non rentables.

Mais pour cela, faut-il préciser qu’il faudra d’abord en passer par la refonte, pour ne pas dire la suppression pure et simple du statut des cheminots, ces profiteurs qui parlent déjà de se mettre en grève alors qu’ils ne connaissent même pas encore la date de leur licenciement économique ! Ah la gréviculture française, ces hordes de paresseux qui se prélassent aux frais du contribuable et s’accrochent à leurs privilèges d’un autre âge telles des moules à leur rocher ! À peine a-t-on parlé de réforme, oh, trois fois rien, et ces énergumènes parlent de bloquer le pays — non — de le prendre en otage durant un mois complet !

À la lecture des différentes interventions de l’éditocrassie[2] sur la question, on reste légèrement incrédule devant les réactions proprement hallucinantes de ces parvenus qui ne savent même pas ce que travailler peut bien vouloir dire, et qui sont payés royalement pour mettre en pièces, sans états d’âme, un service public indispensable tant au maintien d’une cohésion sociale qu’au développement économique du pays.

Des privilégiés ? Vraiment ? Vous voudriez y aller, vous, pour vous faire payer royalement 1.600 EUR net après 18 ans de service ? Pour y passer vos nuits, vos réveillons et vos week-end ? Ah oui, j’oubliais, la pension ! La fameuse pension à 52 ans — pensez — travailler comme cheminot et avoir droit à un train… de sénateur ! Oui, sauf que pour avoir droit à une pension complète, les cheminots doivent, comme dans le privé d’ailleurs, cotiser entre 41,5 et 42 ans. Alors vous pouvez bien prendre votre pension à 52 ans, mais je crains que vous restiez nettement moins payé qu’un député qui n’aurait cotisé que durant une seule mandature (1.200 EUR).

Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage

On voit ici encore à la manoeuvre une droite dure et sans scrupule, qui sous la houlette du petit marquis à rubans — et après avoir fait main basse sur l’exécutif et le législatif — tente de cliver la société française pour pouvoir mieux la réduire à quia, et dépouiller chacun dans son coin de ses derniers reliquats d’acquis sociaux.

Ne voyez-vous pas le piège ? Ne voyez-vous pas qu’après les cheminots, votre tour viendra ? Ne voyez-vous pas que pareille braderie ne peut se terminer qu’en un enrichissement scandaleux pour quelques oligarques et une misère sociale accrue pour le restant des Français, sans parler des innombrables services qui ne seront plus rendus à la population parce que vous comprenez, ma bonne dame, ce n’est pas rentable !

Si vous ne voulez pas qu’on vous conduise à l’abattoir, commencez par ne pas vous conduire comme des moutons. Soyez le mouton-qui-dit-non, le mouton noir, qui ne bêle pas forcément avec le troupeau mais lui, au moins, il sait pourquoi !

Si vous ne voyez pas aujourd’hui la vague immense de propagande en prélude à la mise à mort de tout ce qui représente le tissu social français, vous risquez de vous réveiller un beau matin, dans un monde de merde, et il ne sera probablement pas si simple d’en sortir après coup. Hasta la victoria siempre !

Notes

[1] Noam Chomsky : né le 7 décembre 1928 à Philadelphie, est un linguiste américain. Professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology de 1955 à 2017, il a fondé la linguistique générative. Il s’est fait connaître du grand public, à la fois dans son pays et à l’étranger, par son parcours d’intellectuel engagé de tendance anarchiste. Source : Wikipedia

[2] Éditocrassie : néologisme adjoignant l’affixe « crasse » au radical d’origine latine edictus (éditer). Se dit des intellectuels ratés, des cireurs de pompes professionnels et des journalistes d’alcôves appelés soir et matin à commenter (favorablement, cela va sans dire) les dernières roueries échafaudées par le pouvoir et à les présenter sous un jour avenant. Syn. : propagandiste.

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles