Feu & Contrefeu

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Poroshenko rallonge la liste des journalistes persona non grata en Ukraine

 

C’est l’un des objectifs de ce site.  Mettre en évidence chaque fois que ce sera possible les informations biaisées, tronquées, et les contre-vérités que l’on retrouve dans la Presse, dès qu’il s’agit de sujets un tantinet sensibles.

En lisant les brèves, ce matin, via Google actu, je tombe sur un article du Nouvel Observateur intitulé :  « Kiev impose de nouvelles sanctions aux séparatistes » (voir remarque en bas de page)

Apparemment issu de l’Agence Reuters, l’article dit en substance que :

Le président ukrainien, Petro Porochenko, a ajouté 400 personnes et 90 entités sur la liste des sanctions imposées aux séparatistes de l’Est du pays après l’annonce de la date des élections qu’ils entendent organiser contre l’avis de Kiev.

Entendez par là qu’il leur est désormais interdit de pénétrer sur le territoire de l’Ukraine (pour une durée d’un an).

Ce que l’article ne dit pas, c’est que cette liste de 400 personnes comprend toute une série de journalistes professionnels, y compris deux de la BBC1 et deux journalistes espagnols reconnus2, dont on peut difficilement croire qu’ils rentrent dans le cadre de la définition donnée par la Présidence ukrainienne :

La mesure vise des personnes morales et physiques « de Russie et d’autres pays impliqués dans l’annexion de la Crimée et l’agression dans le Donbass« , précise-t-il sur le sur le site de la présidence.

L’article est repris dans divers médias en Europe, mais pratiquement toujours pour présenter une « juste » extension des sanctions Ukrainienne à l’encontre des républiques sécessionnistes.  En français on appelle ça un contre-feu.  Pour minorer l’impact (forcément désastreux) de la nouvelle, on la publie, mais en omettant ce qui précisément pose problème.

Il est vraiment difficile de croire que cela ne part pas d’une intention de présenter toujours l’actuel gouvernement Ukrainien comme étant axiomatiquement « Les bons », en toutes circonstances, même lorsque les actions de ce gouvernement deviennent indéfendables et que cela tourne à la tartufferie.

Et c’est très inquiétant, parce que cela veut dire que la majorité des autres journalistes professionnels couvrant l’actualité se taisent, au nom de la défense d’une idéologie qui prend sa source à Washington au prix de la liberté de presse, pourvu que cela ne concerne que les collègues qui auraient eu la mauvaise idée d’êtres critiques vis-à-vis de cette politique, ou qui n’auraient tout simplement pas pris fait et cause pour celle-ci, en gardant leur liberté éditoriale, et une certaine objectivité3.  A partir de quel point la presse cesse-t-elle d’être libre et indépendante, pour n’être plus que la Voix de son Maître ? Est-il seulement encore permis de poser la question?

Alors, veulerie ou stupidité ?  Un peu des deux sans doute, après tout, les temps sont durs, et il faut bien manger, hein Madame ?

«Ah ! Ce ventre maudit Toujours nous harcelant, c’est lui qui vaut aux gens les maux et les chagrins de cette vie errante ! » (Odyssée XV, 343-345).

Si vous voulez en savoir plus, je vous suggère l’article JeSuisBBC de Russia Today.

EDIT (19.09.2015) : Suite au cris d’orfraies poussés notamment par les anglais, l’article du Nouvel Obs cité plus haut a été retouché.  Enfin, si bien sûr l’on considère qu’inverser le sens d’une dépêche peut être vu comme une retouche.  Et pour le coup, j’ai appris quelque chose.  En effet, je n’aurais jamais envisagé une seconde qu’un journal puisse se permettre de caviarder ses news rétrospectivement au gré de l’évolution politique.  Décidément on est bien en 1984 et quelques.  Quant à moi, je prendrai désormais la précaution de réaliser une copie de l’article avant de le commenter, à toutes fins utiles.

  1. Steve Rosenberg (BBC) et Emma Wells (BBC)
  2. Antonio Jose Rodriguez Pampliega (freelance reporter) et Ángel Sastre (El Pais)
  3. On se souviendra en particulier d’un reportage que la BBC avait réalisé suite aux événement tragiques qui s’étaient déroulés sur la Place Maïdan, et qui avaient abouti au renversement du Président Yanoukovitch.

    Des snipers avaient alors tiré sur la foule, faisant 76 morts.  La presse internationale avait aussitôt unanimement rejeté la responsabilité sur les forces spéciales de sécurité.  Ce reportage montrait une toute autre histoire.  Il est resté assez confidentiel, ce sujet ayant été très peu relayé dans la presse européenne.  On se demande bien pourquoi.

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Philippe Huysmans

Webmaster du Vilain Petit Canard, citoyen de nationalité belge, marié et père de deux enfants. Je vis en Belgique et j’exerce la profession d’Informaticien à Bruxelles. Mes articles